Intuitive, simple à prendre en main et riche en enseignements, la matrice de compétences et de polyvalence, aussi appelée matrice de polycompétences, est un outil de diagnostic interne qui évalue la capacité des collaborateurs à réaliser les tâches usuelles au sein d’un service ou d’un projet de manière autonome.
Par construction, ce document permet au responsable Qualité, responsable de production, aux RH et aux décideurs d’identifier les risques opérationnels, d’établir des plans de formation, de planifier des recrutements et, plus largement, de viser l’excellence opérationnelle dans la gestion des compétences. Décryptage
Qu’est-ce que la matrice de compétences et de polyvalence ?
La matrice de compétences et de polyvalence est un outil d’analyse qui permet de cartographier et de visualiser les compétences et aptitudes opérationnelles disponibles en interne sur une série de tâches ou de missions au regard des besoins préalablement identifiés.
Un outil d’analyse pour rationaliser la prise de décision

Plébiscitée dans l’univers de l’industrie, la matrice de compétences et de polyvalence permet au responsable Qualité (notamment) de dresser l’état de l’existant et de calculer un certain nombre d’indicateurs pour garantir une disponibilité continue des ressources et des compétences et assurer la qualité des livrables et/ou des services associés.
En tant qu’outil d’analyse, la matrice de polycompétences rationalise la prise de décision et peut déboucher sur plusieurs actions comme l’établissement des plannings de production, la mise en place de solutions de backup pour parer aux aléas comme l’absence d’opérateur ou la panne d’une machine, le recrutement, la réorganisation des équipes, etc.
La matrice de compétences et de polyvalence investigue généralement les aptitudes des travailleurs en usine en les identifiant par leur nom ou leur matricule. A l’occasion, cet outil pourra être mobilisé pour évaluer les ressources en moyens de production ou d’ingénierie identifiés par leur nom de machine ou leur code, même s’il ne s’agit pas de sa fonction première.
Les éléments phares de la matrice de compétences et de polyvalence
De manière plus prosaïque, la matrice des compétences et des polyvalences se présente sous la forme d’un tableau ou d’une grille résumant :
- Les compétences professionnelles faisant l’objet de l’évaluation ;
- Le niveau de compétence de chaque opérateur évoluant dans un service concerné par objectif opérationnel défini ;
- Le niveau de performance actuel de chaque collaborateur est généralement nuancé par un indicateur d’amélioration, comme le potentiel du collaborateur pour évoluer sur une aptitude ou une compétence particulière (coaching ou formation) ;
- Des indicateurs calculés sur la base du niveau de compétence de chaque collaborateur, comme la couverture actuelle et potentielle de l’activité, le taux de polyvalence actuel et potentiel. Nous détaillerons les indicateurs de la matrice de polycompétences dans le chapitre dédié.
Grâce à son caractère ludique et intuitif, la matrice de compétences et de polyvalence connaît aussi un certain succès dans le tertiaire, que ce soit pour évaluer des compétences techniques ou des soft skills dans un cadre RH.
Quelle différence entre matrice de compétences et matrice de polyvalence ?
En règle générale, le responsable Qualité réalise un document qui synthétise les deux aspects. Il commencera par identifier les compétences attendues pour chaque poste de travail puis enchaînera avec le diagnostic des compétences et aptitudes des opérateurs. L’évaluation de la polyvalence pourra alors être déduite de la ventilation des compétences entre les collaborateurs et les équipes pour chaque poste ou activité.
Matrice de compétences et de polyvalence : point terminologie
La matrice de compétences et de polyvalence peut prendre différentes appellations selon la culture de l’entreprise. On parle parfois de matrice de polycompétences ou de grille des polycompétences. Lorsque cet outil industriel n’a pas vocation à se prononcer sur la polyvalence des équipes, on parlera simplement de matrice ou grille de compétences.
Pourquoi construire sa matrice de compétences et de polyvalence ?

La matrice de compétences et de polyvalence est avant tout un outil analytique qui contribue au diagnostic interne de l’entreprise, au même titre que le diagramme d’Ishikawa, la méthode Six Sigma ou encore la matrice BCG. Dans la mesure où elle éclaire l’entreprise sur les compétences disponibles au regard des compétences attendues, la matrice de polycompétences s’inscrit à l’intersection de plusieurs objectifs opérationnels et tactiques :
- Informer les employés sur les attentes de l’entreprise en matière d’aptitudes et de compétences. La forme ludique et lisible de la grille permet aux travailleurs de visualiser les axes d’amélioration et d’identifier des « Quick Wins » pour évoluer.
- Outiller les managers pour constituer des équipes cohérentes et polyvalentes pour chaque projet.
- Augmenter son taux de service par la polyvalence. La matrice de polyvalence permet d’identifier les goulots d’étranglement liés au manque de compétence car pour produire, il faut des matières premières, des machines/outils et des Hommes/compétences. La mise en place d’un plan de formation interne visant la polyvalence permettra d’augmenter son taux de service.
- Augmenter son agilité industrielle. Afin de mitiger les risques qui peuvent toucher la production (absence d’un opérateur, panne d’une machine, rupture d’approvisionnement, augmentation de la charge, etc.), la matrice de polycompétences permet de mettre en place un paradigme d’agilité industrielle à travers des stocks de compétences, aussi appelés « skills buffers », qui jouent le même rôle que les stocks de matières premières essentielles pour ne pas arrêter la ligne de production à chaque aléa.
- Sécuriser les savoir-faire et leur transmission. Il est essentiel d’identifier les collaborateurs « experts » pour former les autres collaborateurs aux postes. La définition des backups sur ces rôles d’expert permet également à l’entreprise de ne pas perdre son savoir-faire lorsqu’un expert quitte l’entreprise (départ à la retraite, débauchage, accident…).
- Mettre en place un plan de formation et/ou une stratégie de GPEC pour combler les lacunes et le skill gap constatés. La matrice de polyvalence permet de visualiser les priorités dans l’acquisition et/ou la rétention de compétences essentielles dans le cadre d’un modèle de compétence piloté par la demande (Demand-Driven Skill Model ou DDSM).
- Faciliter la certification ISO 9001 et contribuer à la performance du management de qualité. En effet, la norme ISO 9001 définit plusieurs finalités dans la gestion des Ressources Humaines, notamment :
L’identification des compétences requises pour le personnel qui effectue un travail avec une incidence sur la conformité du bien et/ou service en question ;
L’identification des compétences disponibles dans l’effectif actuel ;
L’évaluation des écarts éventuels et l’identification des carences en compétences ;
Le développement et le maintien des compétences.
- Analyser l’évolution globale des compétences des opérateurs, suivre leurs plans de formation individuels et, accessoirement, évaluer la performance des plans de formation.
- Identifier les opportunités de mobilité interne, ou redistribuer les talents au sein de l’organisation en fonction des besoins. Un collaborateur doté d’une compétence demandée dans un autre département peut, s’il le souhaite, être réaffecté temporairement ou de manière permanente vers ce département.
- Orienter les plans de recrutement. En mettant en exergue les carences qui ne peuvent être comblées par la formation ou la mobilité interne, la grille de polycompétences éclaire sur le nombre de recrutements et leurs profils afin de répondre aux objectifs stratégiques de l’entreprise.
Globalement, la matrice de compétences et de polyvalence permet de rationaliser la prise de décision sur l’allocation, la formation et le recrutement des ressources humaines en se basant sur la Data plutôt que l’intuition. Selon Gartner, les entreprises qui n’auront pas réussi leur transition vers un modèle décisionnel Data – Driven à l’horizon 2026 accuseront un retard de deux ans sur leur marché.
Comment construire une matrice de compétences et de polyvalence ?

Il existe autant de matrices de compétences et de polyvalence qu’il y a d’entreprises. Mieux : un même responsable Qualité pourra réaliser des matrices de polycompétences différentes en fonction de l’entité et/ou du projet concerné(e). Dans la partie suivante, nous présentons les étapes à suivre pour réaliser une matrice de compétences et de polyvalence complète, à adapter selon vos besoins.
#1 Documents préalables
Vous aurez besoin, à minima, de la liste des activités et des processus de l’entreprise. La charte qualité et le tableau de bord de l’entité en question sont également utiles. L’idée ici est de définir de manière exhaustive les compétences nécessaires pour chaque poste ou projet, mais aussi de rassembler toutes les informations utiles qui permettront d’affiner la matrice, comme la priorité d’exécution de chaque mission et activité, sa criticité, etc.#2 Les entretiens individuels
A travers une série d’entretiens individuels courts (une dizaine de minutes), il s’agira d’identifier la participation (ou la non-participation) de chaque collaborateur à la réalisation des missions de chaque activité ou projet. Les responsables opérationnels peuvent éventuellement valider et/ou compléter les informations recueillies auprès des collaborateurs. Ils sont également les mieux placés pour évaluer les compétences de chaque collaborateur pour chaque mission.#3 La création de la matrice à proprement parler
La forme de votre matrice de polycompétences dépendra de vos objectifs et des informations disponibles. Voici quelques conseils pour vous aiguiller :- Les lignes de la matrice de polycompétences sont consacrées aux collaborateurs (une ligne par collaborateur). activités de l’entité ou service en question. Chaque ligne correspond à un poste de travail ou à une activité. A noter : lorsque l’on fait de l’analyse Value String Mapping (outil lean), les postes de travail seront déployés dans les lignes, tandis que les colonnes recenseront les collaborateurs.
- Les colonnes correspondent aux activités de l’entité ou service en question.
- Dans l’intersection entre la ligne d’un collaborateur et la colonne d’un poste de travail/activité, les responsables opérationnels noteront le niveau de la personne selon un référentiel déterminé à l’avance, de « 0 » à « 4 » par exemple :
- « 0 » : pas de connaissances. « Ne sais pas », « pas de compétence » ou « non concerné ».
- « 1 » : Notions ou connaissances basiques. Le collaborateur a une connaissance pratique de la compétence et peut l’appliquer avec le soutien d’un mentor, ou le collaborateur a suivi une formation ou une expérience de travail équivalente.
- « 2 » : Autonome. Le collaborateur a une connaissance pratique et opérationnelle de la compétence visée et l’utilise au besoin pour atteindre ses objectifs.
- « 3 » : Maîtrise parfaite de la compétence. Le collaborateur peut former d’autres collaborateurs à la compétence.
- « 4 » : Référent ou expert. Le collaborateur est capable d’enseigner la compétence de manière formelle à d’autres formateurs internes.
- La matrice de polyvalence peut être gérée en « carrés magiques », en traçant un trait (bâtonnage) pour chaque « point ». Pour le niveau « 4 », par exemple, on tracera un carré entier dans la cellule concernée.
- Les colonnes suivantes seront consacrées à la couverture de l’activité :
- Colonne « couverture actuelle » : il s’agira de compter combien de collaborateurs sont en mesure de réaliser de manière autonome l’activité en question (note de « 2 » et « 3 »).
- Colonne « couverture potentielle » : ajoutez les collaborateurs en cours de formation pour réaliser l’activité (futurs niveaux « 2 » et « 3 »).
- Colonne « formateur » pour identifier les collaborateurs capables de transmettre leur expertise à d’autres collaborateurs (niveaux 3 et 4). Il s’agit d’un indicateur clé pour sécuriser les savoir-faire de l’entreprise.
- Le calcul des différents ratios:
- Le taux de polyvalence individuelle : il s’agit du pourcentage des activités qui peuvent être réalisées de manière autonome par un collaborateur donné. L’entreprise peut calculer le taux de polyvalence actuelle (note de « 2 » et « 3 ») et potentielle après formation (note de « 1 », « 2 » et « 3 ») ;
- Le taux de polyvalence globale : il s’agit du pourcentage moyen de la polyvalence de l’équipe (actuelle ou potentielle, après formation) ;
- L’écart entre la polyvalence actuelle et individuelle renseigne sur la marge de progression de chaque collaborateur et de l’équipe. Dans la durée, l’entreprise pourra mesurer l’écart entre les différents ratios pour évaluer la progression.

#4 La mise à jour de la matrice de polycompétences
La matrice de polycompétences est un outil évolutif qui devra être régulièrement mis à jour pour éclairer la prise de décision. Plusieurs « événements » peuvent en effet la rendre obsolète :
- La fin d’un cycle de formation avec l’acquisition par les collaborateurs de l’ensemble ou d’une partie des compétences visées ;
- Le départ d’un collaborateur ;
- Un changement de poste ;
- Un recrutement ;
- Un changement dans le mode de production ;
- L’ajout ou la suppression d’un projet ou d’une ligne de production, etc.
Les points de vigilance lors de l’établissement d’une matrice de polycompétences

La matrice de polyvalence doit être partagée à toute l’équipe. C’est essentiel pour permettre à chaque collaborateur de comprendre les forces et faiblesses de l’équipe ainsi que ses besoins de formation. Il s’agit donc d’un outil qui guide chaque collaborateur dans son parcours de formation individuelle pour augmenter la performance de son équipe.
Les matrices de polyvalence consolidées sur des services entiers sont quant à elles réservées aux décideurs car elles contiennent une photographie à l’instant « T » des forces et faiblesses de l’entreprises. Une diffusion restreinte est donc plus appropriée.
Aussi, n’hésitez pas à ajouter de la nuance. Certaines tâches peuvent être très occasionnelles. Dans ce cas, l’entreprise peut se contenter d’un seul opérateur sans courir de risque démesuré.
Aussi, il s’agit d’une photographie à l’instant « T ». L’analyse doit être renouvelée à l’issue de chaque formation, recrutement, départ, etc. C’est pourquoi il est conseillé de mettre en place une matrice de polycompétences en temps réel avec l’aide d’un tableur ou d’une solution informatique, ce qui nous amène au point suivant.
Réaliser une matrice de compétences et de polyvalence en 2022
Comme vous pouvez le constater, la matrice de polycompétences est un outil d’analyse à la fois intuitif et puissant… pour peu qu’il soit réalisé dans les règles de l’art.
Face à la multiplicité des variables en jeu, la méthode manuelle qui consiste à saisir les informations dans un tableur Excel bride le potentiel, la pertinence et l’exhaustivité de l’analyse. Au-delà du côté obsolète de l’approche, le recours à un tableur manuel est chronophage, risqué (perte de données après un crash) et peu adapté à une utilisation sur le terrain car nécessitant un ordinateur (Excel est laborieusement lisible sur mobile).

C’est pourquoi de nombreuses entreprises optent pour des logiciels capables, à partir d’inputs, de mettre à jour la matrice de manière automatique, de générer des rapports à la volée, de produire des tableaux de bord personnalisés, d’assurer le suivi des formations, etc. C’est notamment le cas des Systèmes d’information de gestion des ressources humaines (SIRH) qui embarquent toutes les briques logicielles de gestion des processus d’une direction RH, avec toutefois quelques inconvénients et limites :
- Coût d’acquisition élevé, avec parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros pour l’installation, la configuration, la formation et des contrats de maintenance spécifiques coûteux.
- Des solutions le plus souvent généralistes qui n’ont pas été pensées pour les industriels et encore moins pour les opérationnels ;
- Lorsqu’elles existent, les déclinaisons mobiles sont le plus souvent anecdotiques ;
Pour accompagner les industriels dans l’identification, la valorisation et le développement des compétences de leurs agents opérationnels, il existe des solutions digitales comme Alex, une solution clé en main pour piloter les niveaux des opérateurs, créer des parcours de formation personnalisés, capturer à la volée les preuves de formations et éliminer les coûts cachés (coordination, mise à jour des matrices, préparation des audits, , communication, etc.).

Spécialement pensée pour l’univers industriel, Alex est une application nativement mobile qui répond aux besoins du terrain dans l’usine et l’entrepôt. Alex étend son périmètre d’action au-delà de la fonction RH pour outiller les qualiticiens, les opérateurs et les chefs d’équipe. L’application pensée pour les femmes et hommes de terrain permet de concevoir, réaliser, suivre et mettre à jour votre matrice de polycompétences en toute simplicité.
Découvrez Alex et atteignez l’excellence opérationnelle !